ELLE à table. Mars 2016.
La chaîne de palaces Mandarin Oriental part à la conquête de l’Extrême-Occident arabe, dans le nouvel eldorado de l’hôtellerie de luxe : Marrakech. Une entreprise bâtie sur des sables aurifères. Le decor reprend les contours du classicisme arabo musulman, sans toutefois en suivre les sinuosités. ll n’y a que les volutes d’un parfum à la corne de gazelle pour assouplir la pureté cassante du bassin et des marqueteries de marbres noirs et blancs Tout ici respecte cette diète esthétique, jusqu’à la cuisine du restaurant gastronomique Mes’Lalla, pilotée par l’excellente Meryem Cherkaoui. Son recrutement par le Mandarin Oriental confirme h préférence de l’enseigne hongkongaise pour les tables installées dans leur siècle (plutôt que pour les siècles des siècles) Thierry Marx à Paris ou Heston Blumenthal à Londres prêchent ainsi brillamment l’accélération de leur patrimoine respectif. La chef casablancaise cartographie depuis quinze ans le périmètre de l’assiette marocaine afin d’en tirer des narrations à la fois documentées et impressionnistes. Pourtant formée a l’académisme français par l’institut Paul Bocuse, puis dans les prestigieuses brigades de l’hôtel Majestic et du Crillon, elle est revenue au Maroc avec le projet d’émanciper cette scène culinaire du grand genre des pastillas de pigeon, des tajines d’agneau aux pruneaux ou de poulet au citron, des triangles aux amandes, lointains cousins de nos vénérables vol au vent, tournedos Rossini, homards Thermidor et soufflés au Grand Marnier. Elle conserve toutefois de cette cuisine festive ce qui l’apparente en quelque sorte à la musique de Jean-Sebastien Bach : un chaos organisé qui procède de la superposition de partitions parallèles, dont l’agencement finit par échapper au discernement et produire une impression surhumaine.