Le Petit Journal. Décembre 2013.
Meryem Cherkaoui est talentueuse. Au travers de sa cuisine, elle cherche à partager sa passion, transmettre le patrimoine culinaire marocain mais aussi mettre en avant les produits du terroir. Nous avons rencontré cette marocaine moderne et insatiable de travail.
Une rencontre avec la cuisine qui est devenue une passion
Après avoir passé son bac au Maroc, c’est le hasard qui a poussé Meryem Cherkaoui a poursuivre ses études en France dans le domaine du tourisme et de la restauration.« C’est à ce moment que j’ai découvert la cuisine et mes études m’ont conquise car elles correspondent aux valeurs transmises par mes parents que sont le travail et la rigueur. J’ai eu la chance de réaliser des études prestigieuses et dans des lieux prestigieux ». En effet, Meryem a fait ses classes à l’Institut Paul Bocuse et s’est aguerrie dans les plus prestigieux palaces français, du Majestic à Cannes au Crillon à Paris.
Mais au-delà de ses études, elle se rend compte qu’elle a été bercée par la délicieuse cuisine de sa mère qui recevait beaucoup. « En fait, je suis née dans la cuisine sans m’en rendre compte. J’ai toujours vécu avec ».
Avec son mari, Meryem a souhaité « démarrer une affaire et revenir travailler au Maroc ». Après une expérience très riche de 16 mois à l’Aéropostale à Casablanca, ils ont ouvert leur propre restaurant, La Maison du Gourmet. « Nous avons pensé notre affaire ensemble. Notre idée était d’ouvrir un restaurant et de proposer les plats que nous aimerions manger. J’y ai trouvé mon identité et ma signature ».
Meryem parle de sa cuisine comme une cuisine d’ouverture. « Je vais beaucoup vers les autres et travaille souvent à 4 mains pour partager. La cuisine est vraiment une passion. C’est un échange, du partage et de l’amour ! »
Une cuisine inventive qui défend le patrimoine culinaire marocain
Meryem propose « une cuisine marocaine revisitée avec les techniques françaises », notamment concernant la cuisson rapide des protéines plutôt que mijotées. Sa première recette a été la pastilla au confit de canard. Cela a valu à Meryem quelques reproches. « Au début, j’ai été beaucoup critiquée car j’ai brusqué les habitudes de la cuisine marocaine mais au fur et à mesure, les gens ont vu qu’il y a une base à ma cuisine qui ne change pas. J’intègre de nouveaux produits tout en défendant la cuisine de base, la cuisine traditionnelle ».
Aujourd’hui, ce qui intéresse particulièrement ce chef cuisinier, c’est « chercher de vieilles recettes marocaines et les revisiter. La cuisine marocaine et très riche avec des influences andalouse, berbère, juive-marocaine, mais elle est orale et, ni écrite, ni codifiée. Pour la comprendre et l’apprendre, j’ai donc beaucoup écouté et questionné. Je veux ouvrir la transmission mère-fille en y intégrant la cuisine contemporaine, afin d’éviter que ce patrimoine culinaire se perde. Selon moi, il faut donner ses recettes, les transmettre. Voir ses recettes copiées, cela donne de l’élan ».
Meryem Cherkaoui a des projets plein la toque !
Aujourd’hui, le restaurant de Meryem est en gérance et les ateliers de cuisine ont été vendus et le chef cuisinier s’est tourné vers le consulting. « Je créé des concepts de restaurants et de soirées évènements, des cartes, je fais de la formation pour les chefs et le personnel, je fais de la recherche et du développement dans l’alimentaire avec valorisation du terroir marocain ».
D’autres projets sont en cours. « J’ai envie d’écrire un livre, un répertoire culinaire marocain. J’ai appris beaucoup de choses au contact des gens. J’aimerais faire un mix entre la cuisine classique et la mienne, et faire participer des historiens. Mon second projet est de développer un concept de restauration accessible au porte-monnaie, plus simple et avec moins de protocole. Selon moi, on peut faire la même cuisine que les grands chefs cuisiniers. L’essentiel est de savoir sublimer le produit. Pour que cette cuisine soit moins chère, il faut utiliser les produits de son terroir car pourquoi aller chercher des produits que l’on n’a pas ? La Terre est bien faite, il faut associer les mets du terroir ».
Portrait chinois
Meryem, si vous étiez… ?
Une couleur : « le bleu. C’est le ciel et la mer. Pourtant, je déteste le bleu en cuisine où là, je préfère le vert et les dégradés de beige jusqu’au doré représentant la coloration des viandes et des poissons ».
Une épice : « le safran. C’est l’emblème du Maroc et c’est très subtil ».
Un de vos plats : « ce serait l’une de mes créations : l’orge concassé avec du poulpe et des saucisses de bœuf, des légumes (aubergines, tomates, courgettes) et un fumet de crustacés et légumes ».
Un ustensile : « le couteau. On ne peut rien faire sans ! »
Un mot du vocabulaire culinaire : « saveur et passion, qui est aussi un fruit ! »
Un lieu : « Dès que je voyage, je suis bien. Mais il est vrai que j’adore le Japon pour sa rigueur et sa discipline. »
Comme une cerise sur le gâteau, Meryem a terminé l’entretien en déclarant : « Le Maroc et la cuisine se marient bien. Je suis très attachée à mon pays et les Marocains sont accueillants et réceptifs au partage ».